Johnny Hallyday, les derniers secrets (LIVRE)

C’est sous ce titre que le journaliste belge Eddy Przybylski publie une imposante enquête aux éditions de l’Arbre. Elle s’ajoute aux nombreuses biographies, autorisées ou non, déjà parues sur le chanteur. Et aux livres de témoignages de ses proches. Pas forcément de scoop pour l’initié. Mais une approche originale.
Pour commencer, Przylbyski choisit une période précise et un champ d'action. Il s'en tient essentiellement aux racines belges du chanteur et raconte l'enfance, puis les débuts de la gloire, en s'arrêtant peu après la rencontre organisée par France Dimanche en Allemagne, entre Johnny - qui y effectue son service militaire -et son père, qui l'a abandonné peu après sa naissance. Une rencontre que le père et le fils ne voient pas de la même manière. Se basant sur des déclarations de Johnny Hallyday, mais aussi sur plusieurs entretiens avec son père, Léon Smet, mort à Bruxelles en 1989, le journaliste montre qu'il reste une part de mystère autour de cet "événement" de la vie privée de la star.
Mais on pourrait se demander pourquoi un livre de plus sur Johnny, et pourquoi cet acharnement à faire toute la lumière sur sa famille belge. La thèse défendue par le journaliste est double. Johnny Hallyday et son père se ressemblent, comme ses enfants, David et Laura lui ressemblent. Il y a donc un intérêt à tracer cette filiation. Elle montre aussi que, contrairement au mythe et même s'il ne le connaissait pas, Léon Smet a pu transmettre des gênes artistiques à son fils. Il évoluait dans le monde des surréalistes et a même tâté de la télévision expérimentale durant la guerre. C'est d'ailleurs à cet emploi qu'il doit sans doute de n'avoir pas connu son fils. Placé à ce poste par son beau-frère qui est contraint à la collaboration par ses origines allemandes, Léon Smet craint, à la libération, de tomber à son tour. Le beau-frère, arrêté et jugé, fera cinq ans de prison. Léon, lui, partira préventivement pour l'Espagne peu après son mariage. Il ne reverra jamais sa femme et ne verra plus son fils avant que celui-ci soit une immense star.
Johnny Hallyday est donc élevé par trois femmes, et c'est là qu'on rejoint la seconde partie de la thèse de l'auteur. Il y la tante, (la sœur de son père et l'épouse du collaborateur en prison à la sortie de la guerre). Elle a déjà éduqué Léon, ayant 20 ans de plus que lui. La voilà qui se charge de Jean-Philippe, qui a l'âge d'être son petit-fils. Et puis, il y a les cousines, qui sont de jeunes adultes à la naissance de Jean-Philippe. Elles sont artistes, ne trouvent plus de travail en France à cause du passé de leur père et doivent partir courir le cachet à Londres. Londres où l'une des deux rencontrera Lee, un Américain avec qui elle montera un numéro sous le noms des "Hallyday", le futur nom de scène de Johnny.
Le livre montre donc comment est né "Johnny", issu de ce creuset artistique et formé dès ses onze ans, en 54, à la danse, à la guitare et à la comédie. Et il explique d'autre part comment, sans rien expliquer du talent de chanteur (que chacun appréciera selon ses goûts), cette éducation au milieu de trois femmes a pu développer très tôt chez Jean-Philippe Smet le besoin de se faire admirer, de séduire et les secrets de l'adulation.
Le livre fourmille de détails et d'anecdotes ; il n'offre pas un regard sur les aspects musicaux de la carrière de Johnny Hallyday (comme le faisait par exemple la bio de Bashung parue il y a quelques mois chez Albin Michel) mais permet de comprendre certains des mécanismes de sa personnalité.

Thierry Bellefroid